Frères humains / L’amour n’a pas d’âge Songtext
von Léo Ferré

Frères humains, qui après nous vivez,
N′ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
L'amour n′a pas d'âge
Vous nous voyez ci-attachés, cinq, six
Et la mer étale
Quant à la chair, que trop avons nourrie
Là-bas sur la plage
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Non plus n'a pas d′âge
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s′en rit
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Les mots sont les mots
Si frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice.
Toujours mal criés
Toutefois, vous savez


Que tous hommes n′ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis
Pourtant il faut bien
Envers le fils de la Vierge Marie
Que sa grâce ne soit pour nous tarie
Nous préservant de l'infernale foudre.
Se servir des mots
Nous sommes morts, âme ne nous harie
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Qu′on nous as laissés
La pluie nous a débués et lavés
Et le soleil desséchés et noircis.
Écrits sur la vie
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Criés dans les cris
Puis çà, puis là, comme le vent varie
A son plaisir sans cesser nous charrie
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Des amants lassés
Ne soyez donc de notre confrérie
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Frères humains, qui après nous vivez
N′ayez les coeurs contre nous endurcis
Car, si pitié de nous pauvres avez
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci-attachés, cinq, six
Quant à la chair, que trop avons nourrie
Elle est piéça dévorée et pourrie
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rit
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
L'amour n′a pas d′âge
Prince Jésus, qui sur tous a maîtrie
Et la mer étale
Garde qu'Enfer n′ait de nous seigneurie
Là-bas sur la plage
A lui n'ayons que faire ni que soudre.
Non plus n′a pas d'âge
Hommes, ici n′a point de moquerie
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!